Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République Monsieur le Président,
Nous ne savons plus sur quel pied danser? Oui vraiment plus sur quel pied danser! Il nous plait de virevolter au tempo de la musique qui fait tourner les têtes !
Mais dans les salles où le bal est ouvert par des chefs d’orchestre institutionnels, alors là Monsieur le Président, c’est une autre musique !
Des discours péremptoires crispant par leur condescendance. Ces citoyens que vous avez appelés de vos voeux à s’engager dans tous les domaines de la vie civile, nous en sommes.
Souhaitons que le refrain qui suit ne vous trouble pas, tant il est fredonné, répété, crié...
Parcourant par hasard le Dauphiné Libéré/Haute-Savoie/Annecy du 27 mars 2018, nous sommes attirés par un article intitulé « Le long combat d’une fille après le décès de son père en EHPAD ».
Diantre, que s’est-il encore passé ?
Alors sans nous laisser distraire et sans plus attendre, l’un de nous procède à une lecture attentive des colonnes épistolaires. Pourfendant trois d’entre elles, une photo, celle d’une femme, le visage triste.
Ce visage nous émeut, un de plus Monsieur le Président, un de ces visages si nombreux dans notre vie quotidienne, qui exprime les ravages d’une souffrance longtemps contenue, une de plus. Et que lisons-nous? Nous n’en croyons pas nos yeux. Son papa est décédé à l’EHPAD XXXX le 23 décembre 2017 dans des circonstances difficiles.
Contactée par téléphone, cette fille unique exprime son combat, son infini chagrin de n’avoir pu accompagner son papa jusqu’à la fin, sa présence à ses côtés lui ayant été interdite.
Monsieur le Président, pas même la chaleur filiale, pas même une musique apaisante pour ce père à s’endormir paisiblement, rassuré par les paroles d’une voix aimée.
La poursuite de notre lecture nous donne des frissons. Son drame, la même partition que celle vécue par d’autres familles à l’EHPAD XYXY dirigée par la même baguette.
Des témoignages concrets ont été apportés lors d’une rencontre institutionnelle récente, orchestrée par le comité de lutte contre la maltraitance commun au conseil départemental et à l’agence régionale de santé. Lors de cette rencontre il nous a d’ailleurs été reproché notamment de ne pas avoir fait ce que cette dame avait pourtant fait et qui en définitive s’est retourné contre elle. Parmi les fausses notes, objet de plaintes: atteinte à la dignité de la personne âgée, communication difficile, familles menacées, prescriptions de médecins de ville non respectées, représailles pour qui ose se plaindre, interdiction pour la famille de s’occuper de son proche, de l’accompagner aux repas quand il s’alimente difficilement...
Sur ce point, « des fausses routes » évoquées... Une musique qui ne manque pasd’enrouer qui l’écoute et de finir en profonds soupirs d’impuissance de la personne âgée devant un mets devenu hors de portée faute d’un accompagnement vivace, aux conséquences connues.
Au sein de ces établissements on peine à communiquer avec les familles. Celles qui résistent sont très vite confrontées aux réprimandes du chef d’orchestre et de ses premiers violons. Monsieur le Président, nous vous écrivons cette lettre pour vous dire notre consternation face à cette formation aux vibratos discordants ayant pour effet le solo des personnels soignants, dont le ras le bol envers les familles qui osent exprimer leurs désaccords, est habilement scandé par son chef d’orchestre qui le cas échéant se retire derrière le rideau de la confidentialité pour justifier son refus de dialogue.
La capacité à communiquer raisonnablement sur les désaccords représenterait pourtant une aptitude clé dans leur gestion collective.
Monsieur le Président, nous vous écrivons cette lettre pour vous dire que depuis cet article d’autres langues se délient.
Les familles concernées auront-elles la force de dénoncer de concert les difficultés rencontrées, faisant écho aux mêmes dissonances.
Monsieur le Président, nous vous écrivons cette lettre pour vous dire notre consternation face à un ensemble orchestral où les silences et les connivences sont de mise pour ne pas troubler un ordre établi.
Monsieur le Président, nous vous écrivons cette lettre pour vous dire notre affliction devant tant de mépris.
Monsieur le Président, nous vous écrivons cette lettre pour vous dire notre abasourdissement en apprenant que des responsables, élus ou institutionnels, parviennent aussi à faire taire les notes discordantes pour donner l’illusion d’une belle musicalité.
Monsieur le Président nous vous écrivons cette lettre pour vous dire aussi, en dépit de ces fausses notes devenues inaudibles, notre admiration pour les responsables d’EHPAD qui malgré la situation difficile actuelle font preuve d’un tel humanisme que la partition jouée avec allegretto grâce à un ensemble composé des personnels soignants, des personnes âgées, de leurs familles, est exécutée avec brio.
Monsieur le Président, le 28 mars 2018 aux Invalides en rendant hommage à l’engagement des gendarmes, vous avez prôné le retour aux valeurs.
Dès lors, comment ne pas être d’accord lorsque vous appelez à la dénonciation de l’ignominie sans plus tergiverser. Mais l’ignominie ce n’est pas « eux » seulement Monsieur le Président, c’est « nous » aussi lorsque nous couvrons par excès de pouvoir, indifférence ou compromission les faits de maltraitance.... envers nos parents, nos grands-parents, dont le seul tort est d’être devenus trop vieux et malades pour se défendre. Des vies qui ne sauraient pour autant être bafouées. Car « il n’y a ni vie minuscule, ni vie majuscule ».
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre profond respect. La présidente, Angéla SOCHA