Vers une Loi Grand Âge
EDITO


Le 13 juin 2018, dans un grand discours à Montpellier, le président Emmanuel Macron a annoncé une loi sur la dépendance avant fin 2019 pour « répondre au nouveau risque de la dépendance ».
Plus de 6 ans après, et alors que 10 ministres se sont succédé en charge des personnes âgées, cette promesse d’une loi Grand Âge n’est toujours pas honorée.
Pourtant, le champ du grand âge a fait l’objet d’une multitude de rapports préparatoires, à la demande des gouvernements successifs mais aussi à l’initiative des Commissions des Affaires Sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat, avec au moins 22 rapports recensés, accessibles et résumés ci-dessous. Il a également donné lieu à de nombreuses études institutionnelles et privées, également listées et accessibles via cette page.
La FNAPAEF a été associée à ces travaux et a produit de son côté, en novembre 2023, un « Plaidoyer pour une politique du vieillissement, du grand âge et de la perte d’autonomie », diffusé en novembre 2023 à tous les députés et sénateurs, et à nouveau communiqué à l’ensemble des députés suite à l’élection de juillet 2024.
Les multiples rapports existants couvrent l’ensemble des dimensions de la problématique complexe du grand âge. Ils sont riches, documentés, souvent concertés, quasiment unanimes en termes de constats et d’axes de travail, et plutôt globalement convergents sur les propositions formulées, à l'exception relative de la question du financement. Tous appellent à une vaste réforme en profondeur de tout le secteur du grand âge, réforme urgente non seulement au regard des défaillances actuelles du système mais également en prévision du mur démographique à venir, avec un nombre de personnes âgées en situation de perte d’autonomie qui pourrait augmenter en France de près d’1 million entre 2020 et 2040.
Malgré cela, la loi Grand Âge promise en 2018 attend toujours d’être mise en chantier. Mieux encore, il aura fallu attendre qu’un journaliste d’investigation mène l’enquête et publie un livre-choc, en janvier 2022, pour que soient dévoilées et interrompues les pratiques scandaleuses du groupe Orpéa, l'un des premiers groupes d’EHPAD privés commerciaux en France.
Dans le système très complexe des acteurs et responsables concernés, l’absence de volonté politique de regarder en face la transition démographique conduit à exclure le vieillissement des priorités nationales, et donc à toujours repousser la construction d‘un nouveau modèle, avec une planification et un financement associés. Avec, pour corollaire, une délégation croissante du traitement des besoins des personnes âgées au secteur lucratif, sans encadrement ni contrôle.









Les rapports à l'initiative
du pouvoir exécutif ou législatif
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Le rapport de la mission flash Iborra sur les EHPAD (septembre 2017)
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Le rapport Dharréville sur les aidants (février 2018)
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Le rapport Iborra - Fiat sur les EHPAD (mars 2018)
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Le rapport du Conseil de l'âge, instance du Haut Conseil de la Famille, de l'Enfance et de l'Âge (HCFEA) "Le soutien à l'autonomie des personnes âgées à l'horizon 2030 : Tome 1 - Tome 2" (novembre 2018)
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La note d'orientation Piveteau - Casagrande pour une action globale d'appui à la bientraitance dans l'aide à l'autonomie (janvier 2019)
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Le rapport El Khomri sur les métiers du Grand Âge (octobre 2019)
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Le rapport Dufeu sur l'âgisme (décembre 2019)
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Le rapport Guedj sur l'isolement (juillet 2020)
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Le rapport Corneloup - Robert sur l'accueil familial (décembre 2020)
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Le rapport Broussy sur le logement (mai 2021)
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Le rapport de l'Inspection Générale des Finances et de l'Inspection Générale des Affaires Sociales sur la gestion des EHPAD du groupe Orpéa (remis en mars 2022, publié en avril 2022)
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Le rapport Bonne - Meunier sur le contrôle des EHPAD (juillet 2022)
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Le rapport Pires Beaune sur le reste à charge en EHPAD (juillet 2023)
Une commission d’enquête parlementaire, coordonnée par la députée Monique Iborra (LREM, ancienne sage-femme et enseignante), réalise 26 auditions suite aux mouvements sociaux qui ont paralysé certains EHPAD au printemps 2017. Le rapport de cette mission flash formule des propositions de court terme (meilleure reconnaissance du métier d’aide-soignant, infirmier de nuit obligatoire, réforme de la tarification, recours aux contrats aidés, plus grande transparence sur la qualité des prestations) et préconise de mettre en place une mission d’information plus longue pour réfléchir à la nécessaire adaptation des ressources humaines et au modèle d’EHPAD de demain.
En février 2018, paraît un nouveau rapport sur la proposition de loi pour une reconnaissance sociale des aidants, coordonné par le député Pierre Dharréville (PCF) au nom de la Commission des Affaires Sociales. Le rapport Dharréville met le doigt sur les difficultés des aidants et réclame une meilleure reconnaissance via la création d’un statut d’aidant.
Dans le prolongement de la mission flash Iborra, une étude de terrain est menée par les députées Monique Iborra (LREM) et Caroline Fiat (France Insoumise, ancienne aide-soignante). Sur la base de nombreuses auditions et visites d’établissements (en France, aux Pays-Bas et au Danemark), le rapport formule 31 propositions, articulées autour des axes suivants : oles constats unanimes issus du terrain : une prise en charge insatisfaisante face à l’accroissement de la dépendance des résidents oVers un nouveau modèle d’EHPAD : des innovations, des expérimentations et des propositions Dès aujourd’hui, améliorer à la fois la qualité des soins et la qualité de vie en EHPAD À moyen terme, changer de modèle d’établissement oUne gouvernance et un financement profondément renouvelés pour accompagner ce changement de modèle À court terme : assurer dès aujourd’hui un financement plus égalitaire À moyen terme : les EHPAD de l’avenir devront pouvoir compter sur des pilotes bien identifiés et des financements renforcés
Ce rapport, commandé par la ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn au HCFEA dans le cadre de France Stratégie, dresse un état des lieux de la perte d’autonomie (tome 1 du rapport) et propose des orientations pour adapter les politiques publiques au vieillissement (tome 2 du rapport). Il préconise notamment un renforcement du soutien à domicile, la valorisation des métiers du soin, et le développement de nouveaux types d’habitats pour personnes âgées.
Installée en mars 2018, la Commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance est une commission conjointe du Haut Conseil de la Famille et de l’Age (HCFEA) et du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH). Denis Piveteau (Conseiller d’Etat) et Alice Casagrande (directrice à la FEHAP), respectivement président et vice-présidente de cette commission, remettent, en janvier 2019, aux ministres Agnès Buzyn et Sophie Cluzel une note d’orientation pour une action globale d’appui à la bientraitance dans l’aide à l’autonomie (en établissement ou à domicile, dans le cadre de relation professionnelle ou familiale). La promotion de la bientraitance est présentée comme la finalité centrale de tout accompagnement à l’autonomie, fixée sur quatre piliers : oLa qualité technique de l’accompagnement oLa prise de recul éthique sur l’exécution des actes techniques oLa reconnaissance des droits et capacités des personnes accompagnées » avec une autre conception du rapport au risque oLa qualité de vie au travail des accompagnants
En septembre 2018, le Premier ministre missionne Dominique Libault (haut fonctionnaire) pour conduire une concertation et faire des propositions de réforme, notamment dans la perspective d’un projet de loi. Le 1er octobre 2018 est lancée une vaste concertation nationale « Grand âge et autonomie » qui s’achève en février 2019. Elle a mobilisé 10 ateliers nationaux, 5 forums régionaux, une consultation citoyenne ayant recueilli plus de 1,7 million de votes pour 414 000 participants, 100 rencontres bilatérales et des groupes d’expression de personnes âgées, professionnels et aidants. Le rapport Libault, pierre angulaire pour la compréhension et l’action dans le domaine du grand âge, formule 10 propositions clés pour « passer de la gestion de la dépendance au soutien à l’autonomie » : oLa création d’un guichet unique pour les personnes âgées et les aidants dans chaque département, avec la mise en place des Maisons des aînés et des aidants oUn plan national pour les métiers du grand âge permettant notamment d’agir à la fois sur une hausse des effectifs, une transformation des modes de management, la prévention des risques professionnels, la montée en compétences à travers une politique de formation ambitieuse, le développement de perspectives de carrière en faveur de l’attractivité des métiers du grand âge et d’une meilleure structuration de la filière oUn soutien financier de 550 millions d’euros pour les services d’aide et d’accompagnement à domicile, afin d’améliorer le service rendu à la personne âgée et de revaloriser les salaires des professionnels oUne hausse de 25 % du taux d’encadrement en Ehpad d’ici 2024 par rapport à 2015, soit 80 000 postes supplémentaires auprès de la personne âgée, pour une dépense supplémentaire de 1,2 milliard d’euros oUn plan de rénovation de 3 milliards d’euros sur 10 ans pour les Ehpad et les résidences autonomie oAméliorer la qualité de l’accompagnement et amorcer une restructuration de l’offre, en y consacrant 300 millions d’euros par an, vers une plus forte intégration entre domicile et établissement, pour des Ehpad plus ouverts sur leur territoire oUne baisse du reste à charge mensuel de 300 € en établissement pour les personnes modestes gagnant entre 1000 et 1600 € par mois oUne mobilisation nationale pour la prévention de la perte d’autonomie, avec la sensibilisation de l’ensemble des professionnels et la mise en place de rendez-vous de prévention pour les publics fragiles oL’indemnisation du congé de proche aidant et la négociation obligatoire dans les branches professionnelles pour mieux concilier sa vie professionnelle avec le rôle de proche aidant oLa mobilisation renforcée du service civique et, demain, du service national universel, pour rompre l’isolement des personnes âgées et favoriser les liens intergénérationnels
En avril 2019, les sénateurs Bernard Bonne (Les Républicains) et Michelle Meunier (Socialiste Ecologiste et Républicain) rendent les conclusions de la mission qu’ils ont conduite au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la Commission des Affaires Sociales du Sénat. Leurs travaux « qui s’inscrivent en complémentarité de la Concertation grand âge et autonomie pilotée par Dominique Libault », sont axés sur la diminution du reste à charge des personnes âgées dépendantes. Le rapport présente 20 propositions, articulées autour de 3 axes : oUn problème préoccupant : le reste à charge des personnes âgées atteintes de perte d’autonomie oSolvabiliser la perte d’autonomie par la solidarité nationale : un impératif républicain à maintenir mais à parfaire oLa nécessité de faire émerger d’autres logiques de contribution pour la couverture de la perte d’autonomie Dans leurs observations, les rapporteurs insistent sur le rôle fondamental de l’acteur public de proximité qu’est le conseil départemental et sur l’intérêt d’un financement complémentaire via un système d’assurance dépendance obligatoire, inspiré de ce qui se fait en Grande-Bretagne et en Allemagne. Ils évoquent également les diverses voies par lesquelles les particuliers pourraient valoriser davantage leur patrimoine.
Au début de l’été 2019, le Premier Ministre Edouard Philippe demande à la députée Audrey Dufeu (LREM, ex-directrice d’établissement de santé) d’approfondir la proposition du rapport Libault « Dynamiser la lutte contre l’âgisme » : oétablir un état des lieux de la situation des personnes âgées en France, de leur représentation et des discriminations dont elles souffrent ; oproposer des actions de sensibilisation aux enjeux de dignité et de valorisation sociale de la personne âgée pour le grand public, les services publics, les médias ainsi que dans l’emploi et sur le marché du travail ; oproposer des leviers de développement des liens intergénérationnels dans le cadre notamment de la scolarité obligatoire et du Service National Universel. À partir d’une centaine d’entretiens réalisés avec des représentants de l’écosystème de la longévité et des instances représentatives des personnes âgées, entre autres, le rapport Dufeu fait 86 préconisations pour rendre la société française plus inclusive, articulées autour de 3 idées clés : oUne société inclusive qui s’appuie sur l’éducation et les médias pour développer une culture de la longévité positive ; oInstaurer des droits et libertés fondamentales en faveur des personnes âgées et de la préservation de l’autonomie ; oFaciliter l’inclusion des seniors dans la société en leur donnant plus de moyens pour rester autonomes.
Dans la poursuite de l’impulsion donnée par les dispositions de la loi ELAN, avec la création d’un forfait pour l’habitat inclusif, le Premier ministre Edouard Philippe charge, en novembre 2019, Denis Piveteau (Conseiller d’Etat) et Jacques Wolfrom (Président du comité exécutif du groupe Arcade), de formuler des propositions pour favoriser le développement de ce type d’initiatives dans les territoires. Après des travaux associant les représentants des parties prenantes (conseils départementaux, associations, acteurs du secteur médico-social, de la construction, du logement et de l’aménagement du territoire, mais aussi les porteurs d’initiatives d’habitat inclusif déjà en place sur certains territoires), le rapport passe en revue les douze principaux freins identifiés au développement de l’habitat inclusif, et formule pour chacun une série de propositions concrètes, en termes d’évolution ou d’assouplissement des cadres techniques et juridiques en place, de solvabilisation des personnes et des projets, ou de mobilisation des communautés d’acteurs dans les territoires. On peut citer en particulier : oLa reconnaissance du rôle des collectivités et des bailleurs dans les projets d’habitat inclusif ; oDonner une place centrale au projet de vie partagée, colonne vertébrale de l’habitat inclusif ; oFaire de l’habitat inclusif un pilier des politiques du logement, de l’accompagnement du vieillissement et du handicap.
Dans le contexte dramatique de la crise du Covid 19 et devant l’impact délétère du confinement sur les personnes âgées isolées de leur famille, Olivier Véran (Ministre des Solidarités et de la Santé) missionne Jérôme Guedj (PS, président du conseil départemental de l’Essonne) afin « d’identifier les leviers qui sont aujourd’hui à la main des pouvoirs publics, des acteurs de terrain et de la société civile pour combattre l’isolement des personnes fragiles – c’est-à-dire, nos aînés et les personnes en situation de handicap – pour le temps de crise mais aussi pour la période qui suivra ». Le rapport compile les meilleures idées des publications relatives à l’isolement, notamment : oEncourager la collaboration entre les acteurs publics, parapublics (bailleurs, caisses de retraite) et privés associatifs, demande répandue parmi tous les acteurs ; oDisposer de statistiques fiables permettant de mieux cerner la problématique avec la création d’un observatoire dédié réclamé depuis longtemps par les associations ; oSoutenir les professionnels médico-sociaux par la création d’une carte professionnelle facilitant le suivi des intervenants à domicile et l’octroi d’autorisations spécifiques à ces professionnels, une carte qui se serait révélée utile pendant le confinement ; oInclure l’isolement dans les politiques d’aménagement du territoire, à l’échelle de la ville et des autres collectivités territoriales. Réintégrer de la même manière les établissements d’accueil pour personnes âgées au sein de leur territoire ; oMobiliser les jeunes en service civique et prenant part au futur service national universel pour soutenir la lutte contre l’isolement ; oTransformer la façon dont les personnes âgées sont perçues par le reste de la société.
Fin juin 2020, Olivier Véran (Ministre des Solidarités et de la Santé), Gérald Darmanin (Ministre de l’Action et des Comptes publics) et Sophie Cluzel (Secrétaire d’état chargée des personnes handicapées) missionnent Laurent Vachey (inspecteur général des finances) pour piloter une concertation sur la création de la 5ème branche Autonomie de la Sécurité Sociale (périmètre et gouvernance) et « identifier des sources de financement à mobiliser prioritairement pour couvrir la réforme du Grand Age à compter de 2021 ». Le rapport Vachey, remis en septembre 2020, répond à 5 questions : oQuel sens doit avoir la création de cette 5ème branche ? oQuel doit être le périmètre de la Branche Autonomie ? oQuelle gouvernance locale de l’autonomie ? oQuelle architecture financière et quelle gouvernance nationale de la Branche Autonomie ? oQuelles mesures de financement ? Concernant le financement, sont envisagés : des transferts, une réduction de certaines niches sociales et fiscales, des financements privés, des prélèvements obligatoires.
En décembre 2019, Agnes Buzyn (Ministre des Solidarités et de la Santé) et Sophie Cluzel (Secrétaire d’Etat chargée des Personnes Handicapées) missionnent Philippe Denormandie (chirurgien neuro-orthopédique) et Cécile Chevalier (cheffe de projet Aides techniques à la CNSA) pour conduire une concertation d’ensemble visant à améliorer significativement les conditions d'accès et d'usage des aides techniques favorisant l'autonomie des personnes en situation de handicap. Le rapport, remis fin octobre 2020, veut passer d’une approche des aides techniques financière et palliative à une approche d’accompagnement dans une vision émancipatrice, pour faire de ce levier un axe fort de la politique de soutien à l’autonomie des personnes, quel que soit leur âge. Il formule 54 propositions articulées autour de 5 axes : oRenforcer l’évaluation des besoins et l’accompagnement des personnes dans l’acquisition et l’utilisation d’une aide technique, en organisant et finançant une offre suffisante dans les territoires et en clarifiant les rôles de chacun ; oFaire évoluer le dispositif de financement des aides techniques pour le rendre plus lisible, plus rapide, améliorer le pilotage du reste à charge, et mieux couvrir les besoins des personnes et de leurs aidants : privilégier l’accès à l’usage plutôt que l’accès à la propriété des aides techniques dans le respect du choix de la personne ; oGarantir une bonne qualité des matériels et une meilleure qualité de service dans la distribution des aides techniques par une « montée en gamme » des prestataires du secteur et la promotion d’une filière responsable de qualité et normée ; oAméliorer la gouvernance sur le sujet des aides techniques avec des missions et compétences définies, des acteurs concernés et mobilisés au niveau local et national et en associant et impliquant les personnes concernées à chaque niveau ; oSe saisir du levier innovation, en détectant et diffusant les innovations pertinentes pour les personnes, en prenant en compte notamment le phénomène des fablabs et en s’appuyant sur la modélisation numérique pour faciliter les évaluations médico-économique.
Dans le cadre des travaux de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, les députées Josiane Corneloup (Les Républicains) et Mireille Robert (LREM) produisent 20 propositions pour promouvoir l’accueil familial.
En mars 2021, les sénateurs Bernard Bonne (Les Républicains) et Michelle Meunier (Socialiste Ecologiste et Républicain) rendent les conclusions de la mission d’information qu’ils ont conduite au nom de la Commission des Affaires Sociales du Sénat. Ils formulent 11 propositions pour développer la prévention de la perte d'autonomie, considérée comme l'angle mort des politiques du grand âge. En se fondant sur la littérature disponible et les résultats du modèle danois, les rapporteurs plaident pour un objectif d'arrêt de construction d'EHPAD à court terme, la systématisation des visites à domicile autour de 75 ans et une compétence mieux affirmée du département, en lien avec les communes et les centres communaux d'action sociale, pour favoriser le maintien à domicile. Ils prônent également un élargissement au-delà du champ médico-social, en associant les ministères des sports et de l'enseignement supérieur à la mise en œuvre d’une politique favorisant l'activité physique adaptée et le loisir studieux des personnes à la retraite.
Fin 2020, Jacqueline Gourault (Ministre à la cohésion des Territoires), Emmanuelle Wargon (Ministre déléguée au Logement) et Brigitte Bourguignon (Ministre déléguée à l’Autonomie) demandent à Luc Broussy (homme politique socialiste, spécialiste de la question du grand âge) de réactualiser les constats et propositions qu’il avait formulés dans son rapport de 2013 sur l’adaptation de la société au vieillissement. Le rapport présente 80 propositions pour un « nouveau pacte entre générations », avec une mesure phare : la prim’Adapt permettant financer l’adaptation du domicile.
En janvier 2022, le journaliste d’investigation Victor Castanet publie son livre « Les fossoyeurs », qui dénonce les pratiques scandaleuses du groupe Orpéa, l’un des premiers groupes d’EHPAD privés commerciaux en France. Le livre est une déflagration, dans l’opinion publique, sur le plan politique et dans le monde des affaires. Le Gouvernement commande une enquête sur les faits allégués à l'inspection générale des affaires sociales et à l'inspection générale des finances. Le rapport, remis en mars 2022 (d’abord resté confidentiel au motif du « secret des affaires », puis rendu public en avril 2022) s’articule autour de 6 constats : oLes EHPAD évoluent dans un contexte marqué par l’assouplissement du cadre réglementaire en 2015 et par des moyens de contrôles limités des autorités de tarification ; oLe groupe Orpéa se caractérise par une organisation très centralisée et des moyens de management pouvant conduire à des dérives concernant notamment le respect des capacités d’accueil autorisées ; oLes documents financiers obligatoires transmis aux tutelles par les EHPAD sont insincères et présentent des pratiques d’imputation non réglementaires de charges sur les forfaits soins et dépendance ; oDans un marché du travail tendu, Orpéa affiche une gestion des ressources humaines plus dégradée que la moyenne sectorielle qui affecte la prise en charge des résidents ; oLa prise en charge des résidents est caractérisée par des fragilités d’organisation des soins, un manque de moyens humains et une insuffisante participation des usagers ; oLes contrôles externes conduits par le groupe Orpéa montrent des dysfonctionnements récurrents dont le suivi interne est imparfait mais qui se retrouvent pour partie dans le reste du secteur des EHPAD.
Suite à l’éclatement du scandale Orpéa en janvier 2022, la Commission des Affaires Sociales de l’Assemblée nationale décide de lancer un cycle d’auditions et 4 missions « flash », chacune confiée à trois rapporteurs issus de tous les groupes politiques. oSur les conditions de travail et la gestion des ressources humaines dans les EHPAD oSur la gestion financière des EHPAD oSur la place et le rôle des proches des résidents en EHPAD oSur « l’EHPAD de demain : quels modèles ? » Le rapport présenté par Fadila Khattabi (députée LREM, présidente de la Commission des affaires sociales), donne, pour chaque mission, la liste des personnes auditionnées et la liste des contributions reçues ainsi qu’une synthèse des diagnostics et des propositions formulés par les rapporteurs.
Début juillet 2019, Myriam El Khomri (consultante, ex-ministre) est missionnée pour faire un diagnostic et proposer un plan d'actions en vue de "relever le défi de l'attractivité des métiers du grand âge et de l'autonomie". Son rapport, réalisé à partir de 150 entretiens et un tour de France des organismes, fait un constat implacable et unanimement partagé par tous les acteurs : oDes métiers du grand âge peu attractifs, parce qu’exercés dans des conditions difficiles (taux d'accidents du travail et de maladies professionnelles trois fois supérieur à la moyenne nationale), souvent mal rémunérés (certaines conventions collectives prévoient des rémunérations inférieures au SMIC) et peu considérés, bien qu’ils soient porteurs de sens et d’une utilité sociale majeure. oUn investissement et des actions réelles des autorités publiques dans les métiers du grand âge, mais avec une dispersion qui en limite l’impact. oUn foisonnement et un cloisonnement des organisations professionnelles qui constituent des freins structurels à une rénovation en profondeur du secteur du grand âge. Les besoins sont estimés à environ 18 500 créations de postes chaque année entre 2020 et 2024, pour répondre aux besoins présents et futurs. Parmi les 59 propositions contenues dans le rapport, on peut citer notamment : ola suppression du concours d'aide-soignant ; ola gratuité systématique de la formation (hors frais d'inscription) et une inscription via Parcoursup pour la formation initiale ; ole lancement d'un programme national pluriannuel de lutte contre la sinistralité (diminution des accidents du travail et des maladies professionnelles) ; ola réévaluation des rémunérations au seuil du SMIC au plus tard le 1er janvier 2021, puis un seuil commun de conventions collectives à étudier pour tendre vers de meilleures conditions de travail ; ol'organisation de temps collectifs minimums fixés à 4h par mois en EHPAD et pour les équipes à domicile afin d'assurer une prise en charge de qualité et donner du sens au travail des professionnels de santé.
Devant la forte dégradation de la situation financière des EHPAD depuis 2021, la commission des affaires sociales du Sénat a confié, début 2024, une mission d’information à Chantal Deseyne (Sénatrice LR), Solanges Nadille (Sénatrice RDPI) et Anne Souyris (Sénatrice GEST), en vue d’identifier les facteurs ayant conduit à la situation actuelle et à formuler des propositions visant à soutenir durablement le secteur. Il en ressort un rapport articulé autour du sommaire suivant : Première partie : Des EHPAD à bout de souffle avant d’aborder l’obstacle démographique I.Une situation financière très dégradée II.Une multiplicité de crises qui ont fragilisé la situation économique du secteur III.Des interventions publiques insuffisantes pour soutenir un modèle à bout de souffle Deuxième partie : La nécessité de sortir de la crise pour préparer l’EHPAD de demain I.Rattraper en urgence le déficit de financement des EHPAD II.Favoriser l’attractivité des métiers III.Revoir en profondeur le modèle de financement des EHPAD IV.Améliorer le pilotage et l’organisation V.Mieux adapter l’offre aux besoins VI.Stimuler la demande A noter deux remarques importantes : oUn chapitre « Position personnelle de Mme Anne Souyris », exprimant des divergences avec certaines propositions du rapport ; oUne synthèse « L’essentiel » qui privilégie seulement une partie des analyses et des propositions.
Suite à l’éclatement du scandale Orpéa en janvier 2022, la Commission des Affaires Sociales du Sénat décide également de mettre en place une mission d'information dotée des pouvoirs d'une commission d'enquête. Pilotée par les sénateurs Bernard Bonne (Les Républicains) et Michelle Meunier (Socialiste Ecologiste et Républicain), la mission formule 24 recommandations sur le contrôle des EHPAD, structurées autour de 4 thèmes : oDes autorités de contrôle qui peinent à remplir leurs missions oUn déficit de pilotage stratégique du secteur oUn pilotage par la qualité à développer oUn besoin de réforme traçant des perspectives d’avenir
Fin 2022, la Première ministre Elisabeth Borne confie à la députée Christine Pires-Beaune (PS-Nupes) une mission de réflexion sur les aides publiques permettant de limiter le reste à charge en EHPAD. Rendu fin juillet 2023, le rapport Pires-Beaune (réalisé sur la base de 200 auditions assorties d'une enquête auprès de 1500 EHPAD) commence par un diagnostic de la situation actuelle, pointant « un argent public mobilisé à mauvais escient et en opposition avec les principes affichés et partagés par tous ». Après avoir demandé la création d'un fonds d'urgence pour pallier les difficultés financières immédiates des EHPAD, il formule de nombreuses propositions "visant à conduire une réforme structurelle du financement, de la gouvernance et de la régulation des EHPAD ». Concernant le financement, on peut citer, entre autres, les préconisations suivantes : ola création d'un tarif socle national par GIR ; ola fusion des sections soins et dépendance ; ola mise en place d’une allocation unique, universelle et prenant en compte les facultés contributives de chacun ; ola mise en place d’une contribution universelle dédiée , sur le modèle de la CRDS, se substituant aux prélèvements actuels ; ol’écartement du recours à l’assurance ; ola mise en place de 2 nouvelles recettes supportées par toutes les familles des résidents d’EHPAD, en fonction de leurs facultés contributives : contribution forfaitaire des obligés alimentaires, prélèvement forfaitaire sur les successions ; ole souhait de faire contribuer le secteur privé, via, par exemple, un prélèvement sur les cessions d’EHPAD et un prélèvement forfaitaire à la place.
Organisés de mars à juillet 2023 à l’initiative d’Aurore Bergé (Ministre des Solidarités et des familles) et de Fadila Khattabi (Ministre déléguée chargée des personnes handicapées), les États généraux des maltraitances réfléchissent sur le repérage précoce et l’orientation des personnes victimes de maltraitance à domicile et sur la thématique de la sécurité des adultes vulnérables. Le rapport, remis en octobre 2023, restitue la matière recueillie, issue de toutes les parties prenantes et soumise à une analyse critique des membres de la commission nationale pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance.
Les études institutionnelles et privées
Le Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Age (HCFEA) et son Conseil de l’âge
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Rapport du Conseil de l’âge (HCFEA) « Politique de l’autonomie, mobilités résidentielles et aménagements du territoire » (juillet 2021) :
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Mobilités résidentielles des séniors et aménagements des territoires – Tome 1 – Etat des lieux
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Politiques de l’autonomie et aménagements du territoire – Tome 2 – Pistes
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Le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE)
En février 2018, le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) rend un rapport consacré à l’isolement, la maltraitance et l’institutionnalisation forcée. Ce travail est le fruit d’une auto-saisine du comité, un fait rare. Ses rapporteurs sont Regis Aubry (professeur de médecine) et Cynthia Fleury (philosophe et psychanalyste). Le CCNE pointe la ghettoïsation et l’invisibilisation qui résultent de la concentration des personnes âgées au sein d’établissements d’hébergement. Il propose quelques pistes concrètes pour renforcer la conscience de la réalité démographique qu’est le vieillissement de la population, et le respect des personnes âgées. Y apparaît, en particulier, la proposition de « repenser la création d’un cinquième risque de la sécurité sociale, pour permettre une meilleure prévention et un meilleur accompagnement des personnes dépendantes ».
La Défenseure des droits
La crise du Covid 19 a fait bondir les interpellations auprès de la Défenseure des droits pour dénoncer les atteintes aux droits des personnes âgées accueillies en EHPAD. Face à l’ampleur du sujet, la Défenseure des droits a donc analysé l’ensemble des réclamations qui lui avaient été adressées, conduit des entretiens et des auditions des représentants du secteur (associations, syndicats, fédérations, institutions et professionnels), réalisé des visites au sein de plusieurs EHPAD, consulté son comité d’entente sur l’avancée en âge et sollicité toutes les agences régionales de santé (ARS), pour récupérer un état des lieux des réclamations et signalements et la synthèse des inspections réalisées au cours des trois années précédentes. Le rapport, paru en mai 2021, analyse le respect des droits et libertés des personnes âgées accueillies en EHPAD à l’épreuve de la réalité, et tout particulièrement dans le contexte de la crise sanitaire. Suite à ces constats, la Défenseure des droits y formule 64 recommandations pour améliorer les conditions de prise en charge des personnes accueillies en EHPAD et assurer l’effectivité de leurs droits, en ciblant ces recommandations sur les différents acteurs responsables : le Ministre des Solidarités et de la Santé ; les Agences Régionales de Santé ; les Conseils départementaux ; le Ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance ; le Ministre de l’Intérieur ; la Haute Autorité de Santé ; l’Ordre National de Chirurgiens-Dentistes.
Un an et demi après la publication de son premier rapport, la Défenseure des droits a réalisé un travail de suivi de l’ensemble de ses recommandations, à partir des nouvelles réclamations reçues et des réponses apportées par les responsables interpellés dans le premier rapport. Début 2023, seul le ministère des Solidarités et de la Santé n’avait toujours pas apporté de réponse explicite aux 34 recommandations qui lui avaient été adressées. Suite à un bilan nuancé, avec quelques progrès mais une maltraitance institutionnelle systémique qui persiste, la Défenseure des droits identifie 5 actions capitales à mener sans tarder : Définir un ratio minimal d’encadrement et améliorer l’attractivité des métiers du grand âge Mettre un terme aux violations de la liberté d’aller et venir et rétablir le droit au maintien des liens familiaux des résidents Mettre en place un dispositif de « vigilance médico-sociale » pour renforcer l’identification, le signalement et l’analyse des situations de maltraitance Clarifier et renforcer la politique nationale des contrôles Restaurer la confiance des résidents et de leurs familles
Le Conseil Economique Social et Environnemental (CESE)
La réflexion (associant 15 citoyens tirés au sort et des ateliers citoyens à la Martinique et la Réunion) conclut, en particulier, que la perte d’autonomie doit trouver une réponse dans le cadre de la Sécurité sociale, au sein de sa cinquième branche, qui doit couvrir ce risque selon les mêmes principes que les autres branches, en ouvrant donc logiquement et légitimement des droits sociaux. Les préconisations s’articulent autour de 5 axes : Elaborer une loi de programmation pluriannuelle relative à la perte d’autonomie Financer pour améliorer les formations, les qualifications, les conditions de travail, et la reconnaissance de l’activité des professionnels Limiter les dépenses supportées par la personne et sa famille Etablir une définition légale commune aux aidants Affecter des ressources supplémentaires à la branche autonomie reposant sur la solidarité nationale pour prendre en charge le risque
La Cour des Comptes
La Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie (CNSA)
L’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS)
La Direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques (DREES)
Le Haut-Commissariat au Plan
Le Think Tank Matières grises
L'Institut National d'Etudes Démographiques (INED)
L'UFC - Que Choisir
Le Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF)








La contribution de la FNAPAEF
aux travaux
La FNAPAEF a été associée aux travaux préparatoires à une Loi Grand Âge, à travers :
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son audition par la mission Flash Iborra en septembre 2017,
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sa rencontre avec le sénateur Bernard Bonne de la Commission des Affaires Sociales du Sénat en octobre 2017 en vue du PLFSS 2018,
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son audition par la mission Darrhéville sur les aidants familiaux en décembre 2017,
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sa participation à deux ateliers de la consultation Grand Age ayant abouti au rapport Libault,
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de nombreux échanges avec le ministère de l’autonomie lors de la crise du COVID 19, avec des auditions par la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale en septembre 2020 (vidéo de l'intervention de Claudette Brialix + exposé liminaire) et la commission d’enquête parlementaire, lesquelles ont abordé toutes les problématiques,
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son audition par la mission Pirès Beaune sur le reste à charge en 2023,
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son audition par la Commission des affaires sociales du Sénat sur la situation des EHPAD en avril 2024,
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sa participation au Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Age, de 2016 à 2019,
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sa participation pérenne au Comité d’entente du Défenseur des Droits.
La FNAPAEF a également produit, en novembre 2023, un « Plaidoyer pour une politique du vieillissement, du grand âge et de la perte d’autonomie », diffusé en novembre 2023 à tous les députés et sénateurs, et à nouveau communiqué à l’ensemble des députés suite à l’élection de juillet 2024.
