La FNAPAEF était invitée le mardi 12 décembre 2017 par Monsieur Pierre Dharréville, député rapporteur, au nom de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, d’une mission d’information flash relative aux aidants familiaux. Nous l’en remercions bien vivement.
Après avoir été entendue il y a quelques semaines par la mission de Madame Iborra sur les Ehpad, la Fnapaef était auditionnée cette fois sur la question des aidants familiaux dans la cadre de la préparation d’un projet de loi sur le sujet. Nous avons pu peser sur les analyses comme dans les avis et avons souvent été entendus.
Sur les Ehpad, on assiste actuellement au lancement de travaux parallèles conduits d’une part par le ministère de la solidarité sur la qualité de vie au travail et d’autre part par une suite de la mission parlementaire de Madame Iborra sur les ratios en personnels. Ces travaux sont-ils coordonnés ? Quelle sera l’influence des missions parlementaires sur les décisions du gouvernement ? Les textes à venir apporteront ils des améliorations modestes quoique fort attendues ? Verrons-nous se profiler enfin une profonde transformation de la vision que la collectivité, ses responsables publics et ses membres ont de la cohésion et de la solidarité intergénérationnelle ?
Lors donc de l’audition que nous ont accordée Monsieur Pierre Dharréville et ses collègues sur la situation des aidants familiaux, nous nous sommes d’abord efforcés de remettre les choses dans l’ordre.
Pourquoi la situation des aidants familiaux est-elle toujours aussi critique à l’heure actuelle ? Les constats alarmants, largement connus depuis longtemps, sont une nouvelle fois posés dans le très récent avis, daté du premier décembre 2017, du Conseil de l’âge, formation sur l’âge au Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Age, HCFEA dont notre fédération est membre.
Dans les points faibles du dispositif on peut y lire notamment que :
Le caractère central de l’aide apportée par les proches aux personnes âgées en perte d’autonomie rend cruciale la question de son évolution dans les années à venir.
Deux aidants sur dix (soit 690 000 aidants) ressentent une charge importante, synonyme de fatigue morale ou physique.
56% des aidants ressentant une charge importante déclarent que leur activité d’aide se fait au détriment de leur santé. Pour eux, l’aide se traduit également dans 18% des cas par du renoncement aux soins.La littérature internationale confirme les effets négatifs sur la santé mentale et physique de l’aide à un proche.
L’épuisement de l’aidant est un facteur de risque de maltraitance de la personne âgée. Selon les chiffres de la Fédération nationale de lutte contre la maltraitance de 2013, 52% des actes de maltraitance à domicile sont commis par les enfants ou les beaux-enfants de la victime.
Le congé de proche aidant qui permet la suspension d’un contrat de travail n’est pas rémunéré et ceci gagnerait à être modifié.
Pour développer le recours aux dispositifs de répit dans le cadre des plans d’aide APA, on pourra rappeler que la loi ASV prévoit :
Une meilleure prise en compte des besoins de l’aidant au moment de l’élaboration du plan d’aide par l’équipe médico-sociale dans le cadre de l’évaluation multidimensionnelle.
Pour les bénéficiaires caractérisés par un plan d’aide anciennement saturé, une augmentation des plafonds de l’APA permettant d’accroitre le volume d’aide au répit dans les plans d’aide notifiés.
L’avis du Conseil de l’âge note que les dispositifs de répit en dehors du domicile sont en progression avec notamment :
L’accueil de jour qui permet d’accueillir des personnes âgées vivant à domicile pour une ou plusieurs journées, voire demi-journées par semaine.
L’accueil temporaire qui offre aux personnes âgées la possibilité d'être hébergées quelques semaines, voire quelques mois dans un Ehpad avec une durée maximale de six mois.
Le relayage qui peut permettre aux aidants de s’octroyer un répit à l’extérieur de leur foyer pendant plusieurs jours consécutifs, sans contraindre la personne aidée quitter le domicile. L’aidant est remplacé au domicile de la personne aidée par un « relayeur», 24 heures sur 24, qui se charge des tâches quotidiennes à la place de l’aidant. Compte tenu de son coût, il est hautement probable que le relayage ne sera prévu dans les plans d’aide personnalisés que pour des indications limitées.
Et en cas d’hospitalisation de l’aidant la loi ASV a prévu un nouveau droit. Il s’agit d’un relèvement exceptionnel du plafond du plan d’aide APA. Comme tel, il n’est pas inclus dans le plan APA notifié et n’a donc pas d’impact sur son montant. La majoration exceptionnelle de l’APA est plafonnée à 996,74€ en 20178 par épisode d’hospitalisation.
Remettre les choses dans l’ordre, c’est poser la question, et c’est ce que nous avons fait ici une nouvelle fois, savoir pourquoi les aidants sont autant en difficulté et pourquoi ils ont besoin de tant d’aides. C’est poser la question aussi de savoir si les solutions recherchées doivent bien réellement consister à apporter plus d’aide aux aidants familiaux ?
Si les aidants sont autant en difficulté et s’ils ont besoin de tant d’aides, c’est simplement parce que le système d’accompagnement des personnes âgées en perte d’autonomie à leur domicile est totalement insuffisant.
Les gens veulent rester chez eux le plus longtemps possible et probablement jusqu’à la fin de leur vie. Les gouvernements passés et présents ont bien compris cela. Mais le problème c’est que les besoins en accompagnement et en soins sont remis à 85% sur le dos des aidants familiaux. Les petites améliorations apportées à l’aide aux aidants familiaux ne font et ne feront que faire l’économie de la mise en place d’un véritable dispositif d’accompagnement reposant à 85 % sur des équipes de professionnels. Une fois cela fait, les aidants familiaux pourront reprendre leur simple place légitime et naturelle de conjoints, d’amis ou d’enfants.
Nous ne pouvons que saluer le fait que la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale planche sur la question du domicile. On en voit tout l’intérêt sur le sujet des Ehpad avec les missions de Madame Iborra qui contribuent à faire bouger les lignes.
Cependant, nous avons été assez étonnés de constater que les députés qui nous recevaient ignoraient tout du récent avis du Conseil de l’âge du HCFEA lequel contient tous les principaux éléments documentaires sur la question du domicile et des aidants. Est-ce bien utile de trop souvent repartir de zéro comme si tout ou presque tout n’était pas déjà posé par ailleurs ? D’un autre côté, il convient de voir que même si les données sont déjà connues, il s’agit pour chacun des nouveaux élus de les découvrir et de se les approprier. Et cette approche documentaire et pédagogique fait partie des missions que notre Fédération s’est données.
C’est ainsi que, revenant à l’avis du Conseil de l’âge, nous avons commenté ses principales orientations en matière de domicile et d’aidants familiaux. Certaines de ces orientations vont vers une refonte du système global d’accompagnement des personnes âgées les plus fragiles. D’autres visent à améliorer certains points des dispositifs existants. Nous soutenons résolument les hypothèses les plus hautes et les plus novatrices. Voyons quelques-unes de ces orientations.
Tout d’abord sur l’état de l’opinion publique puisqu’il s’agit bien ici d’une question de responsabilité sociétale, collective et publique.
La majorité des Français (61%) estime que l’Etat et les pouvoirs publics sont les acteurs les plus légitimes pour prendre en charge financièrement les personnes âgées dépendantes. Sept Français sur dix sont plutôt favorables à une aide ciblée sur les plus bas revenus.
Le Conseil de l’âge dit qu’un effort de connaissance s’impose notamment :
Sur les besoins, et en particulier sur la validité de la grille AGGIR pour évaluer les besoins (en particulier dans le cas de démence sénile), la cohérence des plafonds avec les besoins, ou encore la manière dont est prise en compte l’aide informelle dans la notification des plans d’aide, notamment dans le nouveau cadre de l’évaluation multidimensionnelle.
Sur les pratiques des départements, qui implique de poursuivre le travail partenarial entrepris par la CNSA et la DREES sur les facteurs de variabilité interdépartementale.
Le Conseil de l’âge fait des propositions sur la gestion de l’APA
Il souligne que le rôle des équipes médico-sociales est crucial et qu’il serait utile de disposer d’une étude précise sur leurs formations et leurs conditions de travail.
Même si on ne peut pas toujours parvenir à des schémas opposables, la définition de référentiels précis, documentés et opérationnels est de nature à réduire les différences excessives de pratiques et tirer vers le haut la qualité moyenne de la gestion de l’APA.
Les procédures de révision de la situation des allocataires et de leur plan doivent être plus régulières.
Il convient de renforcer le rôle des équipes médico-sociales dans l’appui aux aidants familiaux et le suivi des plans notifiés. La question est ouverte s’agissant de la mission de vérifier que les allocataires bénéficient des droits connexes qui leur sont ouverts. Plutôt que d’en charger les équipes dont le travail doit rester centré sur l’élaboration et le suivi du plan d’aide, on pourrait préférer le recours à des plateformes de service.
Une bonne gestion de l’APA suppose que les départements se mettent en ligne avec le cadre juridico-financier rénové, ce qui n’est pas forcément le cas. On peut lire dans l’avis que la contrainte financière a semble-t-il amené des départements à limiter les plans notifiés, à fixer des tarifs de valorisation inférieurs aux tarifs effectifs et à ne pas procéder à une actualisation suffisante de la situation des allocataires.
La priorité de l’effort doit alors porter sur l’augmentation effective du niveau des plans notifiés, la résorption des pratiques « régressives » de certains départements, le retour à l’équilibre financier des services d’aide à domicile.
Le Conseil de l’âge appuie le fait que les départements ont une responsabilité centrale dans la politique de soutien aux aidants en déployant un plan ambitieux qui prévoit, à côté des actions confiées à des professionnels, des soutiens aux proches aidants. Mais cette politique n’aura son plein effet que si l’offre de services est au rendez-vous. Il faut que l’action des départements soit ambitieuse.
Pour le Conseil de l’âge, voici quelles sont les conditions de réussite d’une politique de soutien aux aidants si, par absence de volonté politique, on renonçait à réviser entièrement le système pour le faire reposer à 85% sur des aidants professionnels plutôt que l’inverse.
Il s’agirait d’améliorer le congé de proche aidant en élargissant le droit à un an et en l’indemnisant. Il s’agirait de dédommager l’aidant non salarié, cette possibilité si elle n’existe pas dans le champ de la perte d’autonomie existe dans le champ du handicap. Il s’agirait de renforcer les droits à retraite des aidants ou encore de pouvoir débloquer, pour ceux qui en ont, des placements de fonds provenant de participation et de l’intéressement avant la date butoir et sans payer de pénalités. Il s’agirait de rendre opposable à l’employeur le droit au congé de proche aidant comme l’est le congé parental pour le jeune enfant. Les partenaires sociaux doivent en être rapidement saisis pour les modifications législatives et réglementaires à introduire dans le Code du Travail.
Mais voici des questionnements et des hypothèses dont certaines nous semblent bien intéressantes. Les questions telle que posées par le Conseil de l’âge sont :
S’agit-il de revoir le système des aides publiques autres que l’APA ?
S’agit-il de compléter l’APA par d’autres instruments en développant le recours à des financements privés ?
S’agit-il d’imaginer et d’adopter une autre conception de l’aide publique à domicile que celle de l’APA ?
Nous retenons fortement la troisième option qui est présentée avec deux variantes.
La première imagine une rente adossée à une assurance privée obligatoire ou à une prestation publique. Elle se substituerait à l’APA (volet domicile) et serait donc d’un montant élevé (par exemple au niveau des plafonds actuels ou à une fraction importante de ceux-ci). La prestation pourrait varier en fonction du niveau du GIR et du revenu. Quels que soient les choix du profil de l’aide, l’originalité de la prestation réside dans son caractère libératoire. Les tenants de cette option invoquent deux arguments pour la justifier. En accordant une prestation d’un montant forfaitaire, on réduit le risque de pratiques régressives des départements et on a un régime plus égalitaire. En attribuant aux allocataires une prestation de caractère libératoire, on leur rend la liberté de gérer leur situation.
La seconde variante préconise une prestation de type « 5ième risque » par une caisse publique. Nos membres et lecteurs savent que nous soutenons depuis longtemps cette idée. On en attend plus d’égalité dans l’admission, dans la détermination du niveau de GIR et dans l’élaboration des plans d’aide. Encore faut-il souligner que s’agissant d’évaluation de la situation de perte d’autonomie et de la définition de plans d’aide, éléments sur lesquels il est vain de penser qu’on pourra les enfermer dans des références opposables, on continuerait de constater des variations locales. Mais on peut envisager qu’elles soient moindres et qu’on puisse progresser plus vite sur des référentiels encadrant la pratique des caisses.
Dans cette hypothèse il resterait à déterminer le montant de la rente ou de la prestation. Plusieurs hypothèses sont évoquées à la page 35 de l’avis du Conseil de l’âge adopté le 1° décembre 2017. Nous invitons nos lecteurs à se reporter à ce document.
Notons encore que l’avis du Conseil de l’âge sur lequel nous nous sommes appuyés pour alimenter notre audition sur les aidants familiaux auprès de la mission flash de Monsieur Pierre Dharréville traite aussi de la question des établissements, point que nous aborderons dans un billet à suivre.